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Hargnies: Joseph Monin

Joseph Monin
Curé d’Hargnies de 1771 à 1798 (27 ans )
Par Jean-François Delarue


Joseph MONIN est une des personnalités qui a marqué l’histoire de la vie religieuse, tant de la commune d’Hargnies où il a exercé son ministère pendant 27 années consécutives, que du département des  Ardennes où il devint le second évêque constitutionnel.


Joseph MONIN est né le 23 novembre 1741 en Belgique, à Paliseul, commune proche de Bouillon. Il y est baptisé le même jour.
Son père, Gilles MONIN, greffier à Paliseul, a épousé une certaine Marguerite HATTOYS HATOY le 13 novembre 1731 à Bouillon. De cette union, naissent cinq enfants, trois garçons et deux filles, dont c’est lui le cadet.


Il s’agit d’une famille très chrétienne. Le curé de Bourseigne, Jean TOURNOIR, n’est-il pas le parrain de sa sœur Marie Joseph MONIN, laquelle entrera, plus tard, au couvent des Carmélites de Charleville.
De l’enfance de Joseph MONIN, on dispose, à ce jour, de peu de témoignages mais on sait qu’il fait de bonnes études.


Il a 19 ans lorsqu’il rejoint, en 1760, la communauté de l’ordre des Prémontrés installée à l’abbaye de Laval Dieu à Monthermé, communauté de chanoines réguliers (c’est ainsi qu’on désigne les membres de cette communauté) soumis à la règle de Saint Augustin prônant sainteté et apostolat. Ces religieux ont une double mission : l’Office Divin comme il est de tradition chez les moines et l’apostolat, c’est-à-dire l’action auprès des fidèles dans les paroisses. C’est ainsi que, dans le cadre de cette seconde mission, l’abbaye assure la desserte des paroisses de Thilay, Haybes, Hargnies, Louette St Pierre, Houdrémont, Orchimont et Willerzie. Et c’est l’abbé Nicolas OUDET, âgé de 75 ans, qui dirige depuis 45 ans cette petite communauté qui ne compte qu’une quinzaine de membres.

 

Après deux années de noviciat, Joseph MONIN prononce ses vœux le 5 septembre 1762. Il a alors 21 ans.
Très vite, il est remarqué pour ses aptitudes et son intelligence, ce qui incite son supérieur, l’abbé OUDET, à lui faire reprendre des études : il l’envoie au collège que les Prémontrés ont à Paris d’où il revient bachelier en théologie.
Le 24 juillet 1765, l’Abbé Nicolas OUDET décède. Il est remplacé, sept mois plus tard, soit le 12 février 1766, par le chanoine Remacle LISSOIR, alors âgé de 36 ans.
Il convient de s’attarder un peu sur la personnalité de ce nouveau supérieur dont les idées et positions ne seront pas sans influencer le jeune Joseph MONIN.
Remacle LISSOIR est né à Bouillon le 12 février 1730 de parents peu fortunés : il est le huitième d’une famille de treize enfants. Après des études au collège de Bouillon, il rejoint, à 17 ans, la communauté des Prémontrés de Laval Dieu. Il y effectue, selon l’usage, deux ans de noviciat et, dans la foulée, y prononce ses vœux le 28 septembre 1749.


Ordonné prêtre quelques années plus tard, il est nommé maître des novices et, successivement,professeur en théologie et prieur.Homme d’idées, il s’intéresse particulièrement au jansénisme avant de se laisser séduire par le fébronianisme qui a pour fondement que " le pouvoir suprême de l’Eglise appartient aux fidèles, les évêques et le pape ne le possédant que par usage ". Ce qui le conduit tout naturellement à s’interroger sur l’origine et la nature de la hiérarchie religieuse ainsi que sur l’infaillibilité du pape.


L’année même où il prenait la gouvernance de l’Abbaye, Remacle LISSOIR publiait, sous le double titre " Etat de l’Eglise " et " Traité du gouvernement de l’Eglise et de la puissance légitime de l’évêque de Rome ", une adaptation française du traité de Justinius FEBRONIUS.


On imagine les échanges et débats qui ont dû s’ensuivre au sein de la communauté sur ces sujets et on comprend mieux la future attitude conciliante de Joseph MONIN vis-à-vis de la future Convention civile du clergé.


Incontestablement, Remacle LISSOIR est alors la première personnalité ecclésiastique du département.Sa renommée est telle qu’on pensera à lui lorsqu’il s’agira d’élire le premier évêque des Ardennes, honneur qu’il refusera. Les idées qu’il répand par ses écrits et par ses entretiens contribuent à sa popularité et les chanoines de l’Abbaye qui les partagent avec ferveur en assurent leur diffusion. Mais revenons à Joseph MONIN. En 1769, à peine âgé de 28 ans, il est promu maître des novices de l’abbaye.


Deux ans plus tard, le 3 février 1771, il est nommé prieur-curé d’Hargnies, paroisse qui dépend, à cette époque, du diocèse de Namur, et dont le poste est devenu vacant suite au décès de Jean Baptiste LAMOTTE, lui aussi chanoine prémontré de l’Abbaye de Laval Dieu.


Jean Nicolas de Hontheim ( 1701-1790 ), évêque auxiliaire et chancelier de l’université de Trèves, fait paraître en 1763 à Bouillon, sous le pseudonyme de JustinusFebronius, un ouvrage en latin, et qui sera traduit en français en 1766 sous le titre " De l’état de l’Eglise et de la puissance légitime du pontife romain ". C’est pour lui l’occasion de s’interroger sur les droits et prérogatives du Saint Siège et d’affirmer que le pouvoir suprême de l’Eglise appartient aux fidèles, les évêques et le pape ne le possédant que par usage.

Hargnies compte alors un millier d’âmes. Ses habitants ont plutôt une réputation de rustres. Quatre cent d’entre eux sont des cloutiers ; presque autant vaquent dans les bois. Joseph MONIN qualifiera d’ailleurs la commune de " désert " dans la Lettre Pastorale qu’il rédigera en 1798.

 


Et pour l’aider dans sa tâche, Gérard CAILLETEUX, natif d’Hargnies, l’assistera en tant que vicaire. Dès les premiers jours passés au sein du village d’Hargnies, le nouveau curé sait se faire apprécier des habitants. Joseph MONIN apparaît, en effet, très affable, très accueillant et fait preuve d’une grande disponibilité. De plus, il se bâtit vite une réputation d’homme de paix : habile négociateur, on ’hésite pas à faire appel à ses services pour aider au règlement des divers différends qu’opposent tel et tel paroissien. Il lui arrive même d’intervenir en faveur de contrebandiers et même d’une pauvre femme en prison. Par ailleurs, son ouverture d’esprit et sa passion pour le débat d’idées en font un interlocuteur recherché.

 

C’est ainsi qu’il tisse des liens étroits avec le couvent des hiéronymites de Fumay et se lie plus particulièrement d’amitié avec le Révérend Frère Jean Martin BAJOMEZ qui y enseigne la théologie, celui-là même qui écrira " la vie du vertueux frère Jean BUFFET " d’Hargnies.


Mais Joseph MONIN s’avère aussi un véritable entrepreneur. C’est lui, en effet, qui s’attaque à la  rénovation de l’Eglise. Le maître autel actuel est encore celui qu’il a fait élever en 1788. C’est lui aussi qui entreprend l’édification du presbytère dont on peut encore admirer aujourd’hui l’élégance.
1789 : la Révolution française éclate. Tout le pays aspire au changement, les curés compris. Et Joseph MONIN, formé à l’Abbaye de Laval Dieu et séduit par les idées défendues par l’Abbé Remacle LISSOIR, n’est pas insensible à ce nouveau vent qui souffle sur la France. Comment ne pas être conquis quand, par exemple, est adoptée, le 26 août 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont le premier article débute par cette phrase historique : " Tous les hommes naissent et demeurent égaux en droits ".


Mais les caisses de l’Etat sont vides. Pour les renflouer, le député Charles Maurice de TALLEYRAND, par ailleurs évêque d’Autun, suggère de nationaliser les biens du clergé. Ce sera chose faite le 2 novembre 1789. En contrepartie, l’Etat s’engage à prendre en charge l’entretien des ecclésiastiques qui, de fait, deviennent fonctionnaires. On ne sait comment Joseph MONIN a réagi à cette décision, lui qui s’est tant investi dans la rénovation de l’église et la construction du presbytère. Peut-être, comme la plupart des curés de campagne, souvent réduits à un revenu de misère, considère-t-il cette initiative comme une bonne chose puisqu’elle va de pair avec la promesse d’une rémunération régulière.


Le 13 février 1790, l’Assemblée constituante vote la suppression des vœux monastiques, et, par voie de conséquence, des ordres religieux. De facto, la communauté des Prémontrés de Laval Dieu, auprès de laquelle retournait régulièrement Joseph MONIN, n’a plus existence légale. Et, comme nombre de ses confrères, il choisit de rester au service de la paroisse qui lui a été confiée. Mais cette décision n’altère en rien l’adhésion du curé d’Hargnies aux changements portés par la Révolution, et il n’hésite pas à se faire élire, le 27 juin 1790, Président de l’administration du district de Rocroi, " preuve à la fois de sa valeur personnelle et surtout de son attachement fervent et connu aux idées nouvelles ".

Il y prononce même à l’occasion un discours pour l’élection des députés à la confédération du 14 juillet 1790 et dont on a gardé trace puisqu’il fut imprimé à Charleville et repris, in extenso, dans le Mercure National de l’époque, discours dont vous pouvez découvrir l’intégralité en annexe de cet article.
Cette toute nouvelle responsabilité ne l’empêche pas toutefois de rester proches des âmes de sa paroisse et de leurs préoccupations au quotidien. Bien au contraire ! Il n’hésite pas ainsi à intervenir le 30 juin 1790 auprès du Président de l’Assemblée Nationale pour obtenir autorisation de conduire les grains à moudre dans des moulins situés en Belgique lorsque celui de la paroisse est à l’arrêt par manque d’eau et que les autres moulins du territoire français alentour sont dans la même situation.


La nationalisation des biens du clergé signifie également une réforme en profondeur de l’Eglise par l’Etat qui, par décret en date du 12 juillet 1790, définit de nouvelles règles d’organisation du clergé et institue, de fait, une nouvelle Eglise : l’Eglise constitutionnelle. Ce décret ou Convention civile du clergé, remanie profondément diocèses et paroisses, sur la base d’un diocèse par département (2) et une paroisse par commune. Les évêques qui étaient nommés par le pape sont désormais élus par une assemblée d’électeurs du département et les curés qui étaient désignés par les évêques sont dorénavant élus par une assemblée d’électeurs du district, que ces électeurs professent la religion catholique ou pas. Une fois désignés, évêques et curés doivent prêter solennellement serment de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi.


Joseph MONIN prête serment le 30 janvier 1791 en l’église paroissiale d’Hargnies, en même temps que son vicaire, Gérard CAILLETEUX (pouvant aussi s’orthographier CAILTEUX), comme en témoigne le procès verbal dressé dans les registres officiels de la commune et rédigé ainsi :


" Procès verbal de la préparation de serment fait en l’église paroissiale d’Hargnies pour Mr Monin, curé, et Monsieur Cailteux, vicaire d’icelle le 30 janvier 1791.
Ce jourd’hui dimanche 30 janvier mil sept cent quatre-vingt onze, à l’issue de la messe paroissiale, au prône de laquelle a été publié le décret de l’assemblée nationale du 27 novembre 1790, et à laquelle ont assisté le maire, officiers municipaux et notables formant le Conseil Général de la commune d’Hargnies, tous prévenus de l’intention qu’avaient manifesté Mr Monin, curé et Monsieur Cailteux, vicaire de ladite paroisse, par leur déclaration faite au Greffe de la municipalité le 28 dudit mois, de prêter le serment requis de tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics, ledit serment par lequel mon dit le Curé a juré de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui lui est confiée, d’être fidèle à la nation, à la loy et au Roy ; et de maintenir de tout son pouvoir la Convention décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le Roy. Pareillement mon dit Sieur Vicaire de remplir ses fonctions avec exactitude, d’être fidèle à la nation, à la loy et au Roy ; et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par le Roy : pareillement mon dit le Vicaire de remplir ses fonctions avec exactitude, d’être fidèle à la nation, à la loy et au Roy ; et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par le Roy, a été prononcé à haute et intelligible voix, et entendu avec applaudissement du Conseil général de la commune et du peuple qui en a également témoigné sa satisfaction.

De tout quoi a été dressé le présent procès-verbal de mes dits le curé et vicaire, ainsi que des susdits officiers municipaux et notables, à onze heures du matin le susdit jour."


Suivent les signatures de MONIN, curé d’Hargnies, CAILTEUX, vicaire d’Hargnies, VERDECHEVAL, maire, Henry BUFFET, Nicolas BRICHET, Gille BRICHET, Jean Joseph WAUTHY, GATIN, GERARD, Augustin COLAS, LIMBOUR, Henri GESNOT.


Il adopte ainsi la même position que les 502 prêtres ardennais (66 %) qui, sur un total de 761 prêtres, croient bon, pour le bien de l’Eglise, d’accepter la Constitution civile du clergé. Et, si le curé de Fumay refuse de prêter serment, c’est une exception dans le canton qui affiche 78 % d’assermentés.

 

Ce taux sera même de 89 % dans le canton de Monthermé. Preuve en est de la profonde influence de l’Abbaye de Laval Dieu et de son abbé Remacle LISSOIR.
Mais, le 13 avril 1791, après être resté silencieux pendant plusieurs mois, le pape PIE VI condamne la Constitution civile du clergé, et demande aux ecclésiastiques n’ayant pas encore prêté serment de ne pas le faire et à ceux qui ont déjà prêté serment de se rétracter dans un délai de quarante jours, sous peine de suspension. Il déclare nulles les élections épiscopales et paroissiales et sacrilèges les consécrations. Cette initiative provoque de facto une division du clergé : d’un côté, ceux qui adhérent à cette Eglise constitutionnelle et de l’autre, les réfractaires. Fidèle à ses engagements, Joseph MONIN ne se rétracte pas.


Puis c’est l’escalade dans les initiatives à l’encontre du clergé. Après s’en être pris aux ecclésiastiques ayant refusé de prêter serment (loi du 19 juin 1791 prescrivant de poursuivre les ecclésiastiques réfractaires) et l’attitude hostile du pape PIE VI (le 12 mars 1792, il frappe d’excommunication les prêtres jureurs), les révolutionnaires deviennent progressivement anticléricaux et antireligieux et prennent nombre de dispositions qui ne vont pas épargner les assermentés eux-mêmes. L’entreprise de déchristianisation est en marche : elle va sévir jusqu’en 1794, contribuant à installer un climat de " Terreur ".


Ainsi, par exemple, la loi du 28 août 1792 interdit le port du costume ecclésiastique en dehors des cérémonies du culte.


De même, le décret du 18 août 1792 supprime toute congrégation religieuse. Voilà pourquoi la sœur de Joseph MONIN, Marie Joseph, qui était religieuse carmélite au couvent de Charleville, rejoint son frère à Hargnies le 30 septembre 1792.
C’est également le cas de Gaspard THOMAS, ex-jéronimite du couvent de Divers Mont, près de Fumay, auquel la commune d’Hargnies accorde un certificat de résidence le 1er avril 1793.

 

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